Perspectives et développement du coworking en France | de Barbara Benini

Article publié sur : "Un rythme de croisière pour le marché immobilier"

Né aux États-Unis, fruit de l’économie numérique qui permet de travailler en tous lieux, il promeut la diffusion de la culture du partage – espaces, ressources et savoir-faire : c’est le coworking. À en juger par l’évolution positive de ces dernières années, ce phénomène désormais répandu dans le monde entier est destiné à s’élargir davantage et devient également l’une des frontières les plus intéressantes et rentables pour le secteur de l’immobilier, au moins en France.

Cushman & Wakefield, l’une des plus grandes sociétés immobilières privées, avec plus de 400 millions de mètres carrés de biens immobiliers gérés dans 70 pays, met en lumière une réalité en pleine évolution, qui va changer notre façon de penser et de créer des espaces de vie et de travail. Selon une étude de Cushman & Wakefield, il y avait en 2018 plus de 700 espaces de coworking en France, dont 30% en Île-de-France et, au troisième trimestre de l’année, on comptait plus de 300 000 m² en région parisienne, avec Paris en tête : entre 2015 et 2018, 29% de la demande de surfaces de plus de 5 000 m² pour cette utilisation était concentrée dans la capitale française. Et, par leur dynamisme économique et l’efficacité des services offerts, ce sont précisément les grandes métropoles qui représentent les places les plus intéressantes pour la réalisation de ce genre de projets. Agnès Talène, commissaire de l’atelier Cushman & Wakefield, explique : « De nombreux espaces de coworking s’ouvriront prochainement non seulement en Île-de-France, mais également dans les grandes métropoles régionales comme Lyon, Bordeaux, Marseille et Nantes, lieux stratégiques pour les développements futurs du secteur en France. Nous pensons également que des acteurs français et étrangers entreront sur le marché ».
L’étude identifie trois acteurs principaux qui ont choisi d’investir dans des projets immobiliers de coworking en France. Les espaces de base sont offerts par les acteurs spécialisés dans le « hors bureaux » – des entreprises du monde de la restauration et de l’hôtellerie, comme Mercure, Anticafé ou Elegencia – qui, en plus des services traditionnels, mettent à la disposition de leurs clients des imprimantes, un internet haut débit, du matériel de bureau et des salles de conférence.

Les espaces offerts par les entreprises de l’économie numérique et collaborative, les acteurs de première génération, qui placent la création de liens sociaux et les idées de communauté et de collaboration au centre de leur philosophie, sont plus différenciés et donnent une impression de comme à la maison tout en étant soucieux de créer une atmosphère caractéristique. Dans cette réalité de coworking, la conception des espaces est similaire à celle des centres d’affaires, avec des lieux ouverts de rencontre et des espaces plus spécifiquement destinés au travail (salles de réunion), mais avec le souci de créer des milieux évocateurs, avec une décoration particulière, parfois thématique, qui crée un environnement un peu bohême et l’impression de se sentir chez soi. Les services à valeur ajoutée, qui s’adressent notamment aux travailleurs indépendants et aux petites entreprises, leur permettent de se démarquer : connexion très haut débit, conseils d’orientation, soutien aux professionnels et autres services centrés sur la collaboration communautaire.

Mais le fait sans doute le plus significatif du potentiel de ce secteur est la présence massive de l’industrie immobilière. Investir dans des projets de coworking est devenu un choix de plus en plus stratégique pour les entreprises de ce secteur, des grands fonds d’investissement aux plus grandes chaînes hôtelières de France, qui pensent ainsi offrir un plus large éventail de services à leurs clients. Agnès Talène dit : « Les acteurs de l’immobilier ont le plus fort potentiel de développement quant à la possibilité de louer des espaces et d’attirer une clientèle plus vaste, dont les entreprises (des start-up aux grandes sociétés) pour satisfaire à leur besoin de trouver des espaces complémentaires temporaires et pour créer des zones de coworking dans leurs immeubles ».

L’immobilier réalise des projets de coworking notamment dans les grandes métropoles régionales et représente près de 95% des parts du marché, avec 235 000 m² placés. Ces acteurs s’adressent aussi bien aux travailleurs indépendants qu’aux grandes entreprises. Une clientèle plus stable leur assure une meilleure sécurité en matière de retour économique, en minimisant les risques liés au faible engagement des petites et jeunes entreprises.
Les espaces destinés à ces clients se caractérisent majoritairement par leur aspect plus design, avec du mobilier adapté au monde professionnel (bureaux équipés et modulables) et une diversification des espaces proposés : aux traditionnels espaces ouverts et aux salles de réunion s’ajoutent des bureaux dédiés aux entreprises, mais également des salles privatives pour les personnes en quête de tranquillité, des bars et cuisines aménagées, des salles de sport et même des lieux de repos et de loisir. L’objectif d’un choix aussi vaste de services est d’apporter une offre différenciante par rapport aux autres acteurs qui investissent dans ce secteur, mais également d’attirer les entreprises traditionnelles, qui ont des exigences particulières en matière d’espaces, de mobilier et d’accueil clients.

À partir de ce tableau général, l’analyse de Cushman & Wakefield distingue deux grandes tendances qui seront suivies à l’avenir par les entreprises de coworking : d’une part, élargir leur offre immobilière, en misant sur des prestations haut de gamme et, d’autre part, cibler une clientèle de niche, en créant des espaces sur mesure et fortement caractérisés. La chose la plus intéressante est que, au fur et à mesure que le marché du coworking mûrit, ces lignes de ciblage ont tendance à se confondre. Agnès Talène explique : « le type de clientèle et les services peuvent se mêler et, à la fin, les différentes catégories d’acteurs pourraient viser à une forme de complémentarité ». Ainsi, une société immobilière comme Nexity a lancé sa propre marque de coworking, Blue Office, qui offre des services et des prix similaires à ceux des acteurs de première génération.

Mais les perspectives de développement pour ce secteur sont encore plus vastes. Au-delà des services basiques désormais rodés et fournis dans les trois-quarts des espaces de coworking (lieux de rencontre, salles de conférence, etc.), d’autres services ont un fort potentiel, comme les aires de restauration ou les espaces de détente avec douches. La perspective qui ressort du rapport de Cushman & Wakefield est celle d’intégrer des espaces de proworking (coworking haut de gamme pour les professionnels), corpoworking (un espace de travail partagé et un lieu fédérateur de communauté destiné aux salariés d’une entreprise et, parfois, à des acteurs extérieurs) et coliving, une formule qui met en avant la vie et le travail en communauté dans le cadre d’une offre immobilière résidentielle construite autour d’un panel de services variés, qui va des cours de yoga à l’atelier d’orientation professionnelle en passant par les soirées cinéma.

En définitive, le marché du coworking en France est en effervescence, avec de grandes perspectives d’élargissement, notamment vers le haut de gamme et la personnalisation des services. Agnès Talène conclut : « La qualité de vie au travail et le confort de la décoration des bureaux haut de gamme sont déjà des éléments indispensables pour les acteurs qui investissent dans le coworking, notamment pour ceux qui désirent développer une clientèle faite d’entreprises et de salariés nomades des grandes sociétés, déjà habitués à des standards élevés. Et ils le seront de plus en plus ».

Mai 2019

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