La beauté de la céramique va contraster la COVID | de Pierluigi Masini

La reprise des grands maîtres du design, à commencer par Gio Ponti, représente une veine interprétative moderne, où la céramique épouse également le thème de la salubrité des environnements.

 

Il existe une image qui exprime le rôle que la céramique doit jouer dans la recherche d’un New normal, et c’est celle du défilé Dolce et Gabbana du 17 juillet dernier au Campus Humanitas de Milan. Nous avons tout lu et le contraire de tout sur l’avenir post-Covid qui nous attend, nous avons enregistré les incitations à revenir à un monde plus simple, y compris l’envie de fuir les métropoles. Nous avons imaginé des maisons-bureaux où cultiver des espaces utiles pour le travail et pas seulement pour les sentiments. Nous avons compris ce qui est vraiment important après la vague de peur et de douleur que nous vivons encore. Mais nous sommes loin d’avoir des certitudes sur une normalité qui peine à prendre forme, avec l’espoir pour beaucoup de se réveiller après un cauchemar et faire semblant que ce n’était pas vrai. Dans tout cela, concentrons-nous sur le rôle de la céramique à partir d’une des marques de mode les plus célèbres au monde. Quel est le lien entre la mode et la céramique ? Et pourquoi ce défilé de mode, réalisé cette année après le confinement, devient-il le symbole du redémarrage du secteur ?

Dolce et Gabbana ont choisi de présenter leurs créations inspirées du charme des céramiques conçues par Gio Ponti pour l’hôtel Parco dei Principi à Sorrente, inauguré en 1960. Ils ont repris quelques-uns des trente-trois thèmes en bleu et blanc qui caractérisent les chambres et les salles du premier hôtel design au monde et ils les ont transposés sur tissu, en hommage au grand inventeur du design italien. Voici quelques considérations. Tout d’abord, le fait que le système mode reprenne certaines compositions de designers, de surcroît après soixante ans, signifie qu’elles sont toujours d’actualité : les formes géométriques, conçues pour être réalisées à l’époque par la société Ceramica D’Agostino de Salerne (reprise en 1990 par Ceramica Francesco De Maio), sont aujourd’hui tellement communicatives qu’elles peuvent être transposées d’un support en céramique sur une veste ou un costume en lin tout en conservant, voire en renforçant, leur charme, leur fraîcheur et leur capacité à nous étonner. Le tout avec une belle touche de classique. N’oublions pas que lorsque nous parlons de pleine conscience (un autre terme particulièrement en vogue dans cette période de réflexions sur le monde) nous nous référons à un état de l’esprit attentif à la période que nous vivons et cette attention devient capable d’aller au cœur de la question, de garder les pieds sur terre et de trouver des solutions.

Et par terre, curieusement, nous trouvons les céramiques. Si la mode de très haut niveau s’inspire du dessin d’un carreau splendide, comme celui de Gio Ponti, cela signifie aussi que la céramique exprime à tous égards un thème de design : ce n’est pas un accessoire décoratif, isolé du reste, ni un élément de construction mais une partie du mobilier. Et nous savons que le total look sur lequel se concentrent les entreprises du made in Italy, trouve dans la céramique son interprète le plus approprié. Aujourd’hui, peut-être pour la première fois, même le monde de la mode se rend compte de l’importance de sa contribution.

Nous pourrions parler longuement de Gio Ponti et de la céramique, de ses débuts quand il était jeune directeur artistique chez Richard Ginori en 1923, ou du Gio Ponti de quarante ans, avec une moustache et des cheveux gominés, photographié devant les carreaux décoratifs d’un bar célèbre. Ou encore des dessins au crayon, pour les céramiques de l’hôtel chef-d’œuvre de Sorrente, réalisés dans les nuances du bleu qui prendra son nom. D’ailleurs, la même année (en 1960), Gio Ponti et son gendre Alberto Rosselli ont créé pour Marazzi le carreau « Triennale », avec quatre lignes courbes, un classique toujours en production (vous pourrez le voir également apparaître dans une pub du Parmigiano Reggiano). Et puis il y a une phrase du livre de Gio Ponti Amate l’Architettura (1957) qu’il me semble opportun de rappeler, une considération brève mais révélatrice qui dit : « la céramique prétend être un revêtement, mais elle donne à la surface une valeur plastique ». Elle parvient donc à transférer l’idée d’une profondeur, pas seulement de perspective ou de géométrie, en brisant la bidimensionnalité à laquelle elle est forcément destinée.

Cette capacité, reconnue par Gio Ponti il y a plus de soixante ans, revêt aujourd’hui une valeur encore plus importante si nous nous référons à la nouvelle conception d’espaces qui doivent susciter, dès le premier abord, une sensation différente. Il en va de même si nous regardons l’utilisation de la céramique dans la construction de nouveaux espaces à vivre, qu’ils soient privés ou collectifs, où un atout majeur entre en jeu : la salubrité.

En pensant à notre avenir, un élément devient incontournable : nous avons besoin de nous assurer des niveaux de propreté et d’hygiène bien plus élevés que ceux d’il y a quelques mois, car la lutte contre un ennemi invisible tel que le virus commence précisément par éviter de lui fournir des cachettes, des cavités ou des matériaux réceptifs sur lesquels s’accrocher. Prenons le grand débat sur les écoles : nous nous concentrons à juste titre sur la question de l’espacement social et des dispositifs de sécurité personnelle pour les élèves, en laissant de côté le fait que les établissements sont pour la plupart vétustes, construits il y a des décennies avec des matériaux qui, aujourd’hui, ne garantissent pas le niveau de salubrité requis. La céramique, en revanche, assure ce niveau de salubrité.

Voir aussi :
« Ceramics of Italy – Ahead of our Time » tells the story of Italian tile
La céramique. Un choix sûr

 

Septembre 2020